En mai 2018, le gouvernement français a été traduit devant la Cour de Justice Européenne pour « non-respect » des normes de qualité de l’air. Afin de respecter ces normes réglementaires européennes, le gouvernement envisage d’ici 2020 la mise en place de « Zones à Faible Emission » (Z.F.E) dans les territoires soumis à un Plan de Protection de l’Atmosphère (comme la vallée de l’Arve).
Une Z.F.E est une réglementation concernant la circulation de voitures selon leur année de construction, et donc leur potentiel d’émission polluante. L’objectif à court terme est de mettre fin aux véhicules fonctionnant au diesel, énergie qui génère une pollution importante au dioxyde d’azote, et à long terme d’aller vers un parc automobile électrique.
Actuellement, seuls Paris et Grenoble connaissent ce type de réglementation qui passe à travers un système de vignettes nommées « Crit’Air »afin d’interdire les véhicules les plus polluants dans une délimitation précise des agglomérations.
Remarquons d’emblée que cela est une fausse alternative du seul fait qu’au-delà de l’équipement de l’automobile d’un filtre à particules, près de 40 % de la pollution de l’air est liée à l’usure des pneus et des freins. De même, les voitures électriques en dehors du dispositif sont alimentées par des batteries au lithium produites par des usines très polluantes (comme SGL Carbon à Chedde d’ailleurs).
De plus, lorsqu’on connait les scandales liés aux moteurs plus « écologiques » (Dieselgate) et les multiples fraudes possibles, il y a bien d’autres obstacles à surmonter. Enfin, précisons que depuis septembre 2017, les poids lourds sont soumis à ce système de vignette (Crit’Air) et qu’au regard des fraudes à l’adblue, il est probable que ce dispositif soit un écran de fumée.
Mais il y a aussi un problème social et de vision de la vie en société. Dans un article de « France Bleu » une des responsables de l’association Inspire, basée à Chamonix, déclare :
« On pourrait par exemple imaginer que le centre-ville de Cluses soit interdit aux véhicules les plus polluants »
Au vu de la gravité de la pollution de l’air, est-ce bien sérieux de vouloir une mesure d’interdiction prise d’en haut, sans rapport avec la vie quotidienne de la population ?
Rappelons tout de même que le revenu annuel moyen par ménage à Cluses est de 19 000 € alors qu’il est en moyenne de 25 000 € dans le département et 21 % des 30-39 ans sont pauvres (moins de 1000 € /mois pour une personne seule).
Interdire la circulation de véhicules diesel immatriculés jusqu’à 2005 dans certaines centre-villes, n’est-ce pas là pénaliser les classes populaires et rendre impopulaire le nécessaire changement des mentalités ?
Sans moyens de transport adaptés à la vie de tous les jours, comment se débrouiller au quotidien lorsque le lieu de travail et le centre commercial se situent toujours plus loin de son lieu de résidence ?
Car le vélo ou la marche peuvent combler les petits déplacements pour les personnes en bonne santé, mais que faire pour les personnes âgées et les personnes plus faibles physiquement ?
Plutôt que de chercher une solution éparpillée et individualiste, il faut assumer une proposition collective, qui intègre la collectivité dans son ensemble.
Selon l’enquête « déplacements de Haute-Savoie », les 600 000 déplacements quotidiens dans la vallée de l’Arve sont effectués à plus de 64 % en voiture et seulement 5 % en transports en commun. Là est l’obstacle principal car la voiture c’est effectivement la pollution et l’individualisme mais l’interdire par simple décret administratif sans développer une alternaive populaire, ce n’est pas responsable.
Il est vrai qu’à Cluses existe le réseau de bus « Arv’i » mais il semble avoir été créé par le haut car il n’est pas adapté à la vie des travailleurs mais bien plus aux rythmes scolaires. Bien qu’une avancée, il faudrait des liaisons plus nombreuses avec le reste de la vallée , notamment avec un train-tram, et une adaptation réelle aux rythmes des salariés.
Déclarer comme le préfet que la création de ZFE dans la vallée de l’Arve serait une « première » dans un territoire plutôt rural n’a pas de sens si l’offre de transport en commun n’y est pas également équivalente à celle des grandes villes. Cela sera improductif, impopulaire et oubliant les causes profondes de la pollution de l’air.
La perspective populaire pour laquelle nous devons nous battre c’est celle d’obtenir un véritable système de transport en commun gratuit et adapté à la vie quotidienne de la population !