La délégation Rhône-Alpes de l’ATMO, association nationale de surveillance de la qualité de l’air, a publié un rapport sur le niveaux des polluants atmosphériques dans la région pour l’année 2019. Si le document est d’une bonne qualité, relativement accessible pour quiconque s’y penche sérieusement, nous proposons un petit décryptage pour la vallée de l’Arve.
Particules fines et dioxydes d’azote : bien analyser la baisse
Le dioxide d’azote (No2) est principalement issu des moteurs à combustion liés au trafic routier. Les particules fines (Pm 2,5 et 10) sont quant à elle majoritairement issu de la combustion des chauffages aux bois et du brûlage de déchets verts. Avec plus de 3 000 foyers renouvelés depuis 2012 dans la vallée et le renouvellement d’une partie du parc automobile vers des normes plus exigeantes (voiture et camions), les émissions de particules fines et de dioxyde d’azote sont en baisse.
Mais attention, lorsqu’il est affirmé que « la pollution baisse », il s’agit de regarder les émissions et les concentrations mais aussi les seuils réglementaires. Pour le dioxyde d’azote, la norme réglementaire et le seuil OMS sont les mêmes et on a bien une baisse absolue de ce polluant (malgré de fortes concentrations aux abords des axes routiers).
Le président ATMO Rhône-Alpes rappelle bien que pour les Pm 2,5 ce sont les seuils réglementaires annuels français (25 µg/m³) qui sont respectés mais que la pollution reste supérieure aux seuils de l’OMS (10 µg/m³), beaucoup plus exigeants. En même temps, il suffit de se dire qu’une particule fine de 2,5 microns peut pénétrer jusqu’aux poumons et dans le sang pour se dire qu’il devrait être exigé une baisse drastique de ce polluant. Pour cela, il faudrait que les dirigeants cessent de tout penser à travers des statistiques et des courbes…
Ce qu’il est juste d’affirmer c’est que la concentration moyenne annuelle de particules fines est en baisse par rapport au seuil réglementaire de l’U.E, ce qui n’empêche pas d’avoir des pics élevés à des moments de l’année, en fonction de conditions météorologiques (comme l’hiver avec l’inversion de température). Si l’on prend le seuil OMS, les concentrations annuelles sont toujours trop élevés, avec la vallée de l’Arve qui concentre la grande majorité des habitants exposés en Haute-Savoie.
La hausse de la pollution estivale : l’Ozone (O3)
L’ozone est une pollution dite secondaire car elle se produit sous le poids de la transformation des oxydes d’azotes (Nox) et des Composés Organiques Volatiles (COV) avec les forts rayonnements U.V. C’est surtout lors des moments de fortes chaleurs que de tels pics de pollution sont relevés avec un doublement de ces derniers depuis 10 ans.
On retrouve là un des effets délétères du réchauffement climatique qui se manifeste par des canicules plus régulières, comme les trois épisodes à l’été 2019. Notons aussi que la pollution de l’ozone participe d’une fragilisation de la végétation, notamment des arbres qui jaunissent et sont alors susceptibles d’être fauchés par les tempêtes plus violentes également à cause du réchauffement climatique. On a donc une spirale négative qui s’entretient…
Vers la surveillance de nouveaux polluants
On aura compris que la lutte contre la pollution de l’air résulte de deux choses : l’identification claire et précise des polluants et de leurs sources puis, ensuite, l’établissement de seuils réglementaires à respecter.
Or, en France, sur un peu plus de 200 polluants connus, 13 sont soumis à des contrôles réglementaires, 54 sont soumis à une surveillance obligatoire. Cela représente 30 % des polluants totaux. ATMO prend donc l’initiative, dans la mesure de ses possibilités, de surveiller de manière anticipée et préventive les 144 polluants restants, non soumis à des valeurs réglementaires ou une surveillance obligatoire (certains HAP, des pesticides…).
Ainsi par exemple, les C.O.V , dont l’industrie du décolletage est émettrice, ne sont pas tous bien connus et peu réglementés.
Le danger des particules ultrafines se précise ?
Mais ce qui attire particulièrement notre attention, ce sont les particules ultrafines (PUF). C’est une fourchette de particules encore plus fines que celle des PM 2,5, qui vont jusqu’à pénétrer dans le cerveau. Invisibles à l’oeil nu, elles sont 5 à 10 000 fois plus petites qu’un grain de sel, issues, entre autres, de l’usure mécanique (comme les freins, la route, les pneus, etc., pour la voiture) et de phénomènes de combustion.
Notons que Paris vient à peine de se doter en septembre 2019 d’un outil de mesure de ces particules qui se comportent comme des gaz (et non comme des particules solides). Cela appelle a renforcer les études sur l’ « effet cocktail » ou « effet synergique », c’est-à-dire lorsque les polluants, en se rencontrant, se transforment en une nouvelle molécule, parfois plus dangereuse que lorsqu’ils sont isolés les uns des autres.
Une étude de l’OMS en 2013 a ainsi montré qu’il existait un « effet synergique » entre les PUF et les métaux lourds (chrome, nickel, cuivre…) dont chacun sait que l’usine Hacer à Cluses en est très émettrice.
Les PUF nous inquiètent car on peut se demander si les futures voitures électriques, plus lourdes, ne vont pas émettre finalement plus de particules ultrafines, de la même manière qu’on ne sait pas si les nouveaux poêles à bois moins émetteurs de particules 2,5 ne produisent pas plus de PUF.
Mais la recherche scientifique manque de moyens pour avancer rapidement sur ces questions et elle évolue au « coup par coup » sans analyse générale de l’ensemble des dynamiques qui interagissent pour former les brouillards de pollution (fameux « smogs »).
Il est à craindre que de nombreux freins déjà en place vont se renforcer à la faveur de la crise économique en cours… Cela rend d’autant plus urgent un mouvement populaire capable d’imposer les exigences sociales et écologiques à la hauteur des problématiques.