Après un pic de pollution entre le 11 et le 12 novembre, la vallée de l’Arve subit un nouveau pic depuis dimanche 21 novembre. Cet épisode est lié à la conjonction de l’inversion de températures en période hivernale et aux rejets des particules des feux de cheminée. Pourtant, au 1er janvier 2022, les cheminées à foyers ouverts seront interdits. Lors, où en sommes-nous sur cette question ?
- Encore des foyers ouverts à moderniser
En 2012, on estimait qu’un peu moins de 10 000 cheminées devaient être changées dans le cadre des aides du Fonds air bois, se terminant d’ailleurs au 31 décembre 2021. Sur ces 10 000 cheminées, ce sont 4 439 foyers ouverts, ces cheminées les plus polluantes, qui ont été recensés.
C’est le haut de la vallée, entre Sallanches et Vallorcine, qui concentre le plus de foyers ouverts, rassemblant plus de 75 % des foyers ouverts recensés dans toute la vallée.
Au 13 novembre 2020, la préfecture a annoncé via son site mavallee-enclair.fr que 4 200 cheminées ont été modernisées, dont 850 sont d’anciens foyers ouverts.
Cela veut dire que seulement 19 % des foyers ouverts recensés comme éligibles au fonds Air bois lors du premier plan de protection de l’atmosphère de 2012 ont été modernisés. Cela est trop peu alors que l’interdiction des foyers ouverts va entrer en application dans moins de deux mois.
- Un gros incinérateur au milieu de la Vallée
Car visiblement, si l’on s’en tient aux chiffres communiqués en 2012, il resterait aujourd’hui plus de 1 000 foyers ouverts dans la vallée ! Il faut s’imaginer ce que cela représente en matière de pollution de l’air lorsque les particules stagnent du fait du couvercle hivernal.
On estime qu’en moyenne un ménage équipé d’un appareil de combustion de biomasse consomme environ 8 stères de bois par an. Évidemment, cette moyenne de consommation se concentre sur six mois de l’année, entre octobre et mars lorsque les températures sont le plus basses.
Sur cette base, en 2021 ce sont donc 8 000 stères (ou env. 4 000 tonnes) de bois qui sont brûlés par an (donc surtout l’hiver) par plus de 1 000 foyers ouverts. Quant aux un peu plus de 3000 cheminées restantes – non pas des foyers ouverts mais non pas forcément émetteur de particules, notamment les ultra-fines, elles consomment 24 000 stères (ou env. 12 000 tonnes) de bois.
Pour s’imaginer les effets en termes de nuages de particules, il suffit de se dire que toutes ces cheminées n’en forment qu’une seule, très grosse, au milieu de la vallée, à l’image d’une cheminée d’incinérateur mais sans filtres.
D’ailleurs, il faut se rappeler du pic de particules fines à la fin du mois de mars 2020 lorsque les usines étaient presque toutes fermées et que le trafic routier était en baisse et alors que les gens étaient confinés chez eux avec des températures assez fraîches :
- Le mode de chauffage, un enjeu social
Les premiers pics de ce mois de novembre 2021 relèvent du même phénomène de conjonction de températures fraîches, de l’utilisation de la cheminée comme chauffage et de l’inversion des températures. Il ne fait donc nulle doute que la cheminée est un des problèmes prioritaires dans la vallée.
Mais 2 000 euros, ce n’est pas suffisant pour changer un appareil lorsque la facture moyenne tourne autour de 5 500 euros. Et au-delà du changement de l’appareil, il y a surtout l’attractivité économique du chauffage au bois face aux autres modes de chauffage.
Pour ordre de comparaison, la facture annuelle pour du gaz de chauffage, c’est entre 800 et 1 000 euros (TTC), pour en moyenne une consommation de 11 187 kWh de gaz par an (il y a une importante variabilité selon foyers). Pour un logement de 50 m2, avec une qualité moyenne d’isolation, le chauffage électrique c’est 6 100 KWh d’électricités consommés, soit une facture annuelle de plus de 1 000 euros (95 euros par mois) pour 0,1798 euros le kWh d’électricité. Sans même parler de l’inflation actuelle qui pèse sur les ménages populaires.
À l’inverse, un foyer qui se chauffe principalement au bois dépense en moyenne 332 euros par an pour s’approvisionner en bois…Un stère de bois, c’est entre 30 et 120 euros (en moyenne, un foyer consomme 7 stères de bois par an – consommation surtout l’hiver – donc cela fait entre 200 et 840 euros par an, toujours dans tous les cas moins chère que l’électricité et le gaz).
Le chauffage au bois revient donc entre 17 et 70 euros par mois, soit deux fois moins cher que que le gaz et l’électricité. Comment dans telles conditions, favoriser le transfert vers un mode de chauffage plus soutenable et moins polluant ?
La question du chauffage au bois est une vieille tradition qui bénéficie de surcroît d’une attractivité économique florissante, et l’on voit bien toute la dimension sociale que cela implique.
Pourtant, il faut en finir avec le chauffage au bois en général, foyers ouverts ou non, car cela n’est pas écologique, tant en matière de qualité de l’air qu’en matière de protection des forêts. Pour cela, la meilleure des solutions dans notre région reste le chauffage électrique fondé sur l’énergie hydraulique, le tout sur la base d’une propriété publique pour ne pas subir les aléas des fluctuations du marché.